L’île d’Hashima (端島), plus connue sous le surnom de Gunkanjima (軍艦島), est un site aussi fascinant qu’inquiétant. Située à environ 20 km au sud-ouest de Nagasaki, cette île abandonnée intrigue par son histoire industrielle unique et son apparence de forteresse bétonnée.
Son surnom, qui signifie "île navire de guerre", vient de sa silhouette qui évoque celle d’un cuirassé, avec ses immeubles massifs semblant émerger de l’eau comme les tourelles d’un navire. Aujourd’hui, Hashima est un lieu de mémoire controversé, mêlant gloire industrielle et blessures historiques.


Quelle est l’histoire de l’île d'Hashima ?
L’histoire de Gunkanjima est intimement liée à l’essor industriel du Japon durant l’ère Meiji (1868-1912).
Si l’île était connue dès 1810 pour ses gisements de charbon, ce n’est qu’en 1887 que l’exploitation minière s’y est intensifiée avec l’installation des premières infrastructures permanentes. Trois ans plus tard, en 1890, l’entreprise Mitsubishi Goshi Kaisha rachète l’île et entreprend son expansion et sa modernisation pour maximiser l’extraction du charbon.


Une île artificiellement agrandie pour loger les mineurs
Face à la croissance des activités minières, l’île, à l’origine minuscule, a été triplement agrandie grâce à des remblais gagnés sur la mer. Cette expansion a permis de bâtir de nouvelles infrastructures :
- Quatre mines de charbon, dont certaines plongeaient à plus d’un kilomètre sous le fond marin
- Des immeubles en béton armé, dont le premier de tout le Japon en 1916
- Des écoles, un hôpital, des magasins, un cinéma, et même une maison close
À son apogée en 1959, Gunkanjima comptait 5 259 habitants sur 6,3 hectares. Sa densité atteignait 83 500 habitants/km², soit 7 fois la densité de Paris intra-muros, faisant d’elle l’un des endroits les plus densément peuplés au monde à l’époque.
Des conditions de vie extrêmes
Mais vivre sur Hashima était loin d’être idyllique. En raison de sa surface limitée, l’espace était optimisé à l’extrême : les bâtiments étaient construits en hauteur, les appartements minuscules et les ruelles étroites.
Les mineurs travaillaient dans des conditions extrêmes :
- Températures avoisinant les 30°C
- Humidité dépassant les 95%
- Air saturé de poussière de charbon
- Accidents fréquents dans les galeries souterraines
Malgré tout, l’île offrait un mode de vie autosuffisant, avec écoles, commerces et loisirs permettant aux familles des travailleurs de mener une vie relativement normale... jusqu’à son abandon brutal.


Quel rôle a joué Hashima durant la Seconde Guerre mondiale ?
L’histoire de l’île a aussi une face sombre, notamment durant la Seconde Guerre mondiale. Pendant l’expansion impérialiste du Japon, et particulièrement durant la guerre, Hashima a vu affluer des milliers de travailleurs forcés coréens et chinois pour soutenir l’effort de production de charbon.
Les conditions de travail, déjà extrêmement rudes, sont devenues inhumaines :
- Travaux forcés sans repos suffisant
- Maltraitance physique et alimentaire
- Zones minières dangereuses, souvent remplies de gaz toxiques
- Tentatives d’évasion sévèrement punies
Les estimations varient, mais on parle de 800 à 1 300 travailleurs forcés sur l’île pendant la guerre.
Le film coréen "Battleship Island" (2017) a popularisé cette histoire, bien qu'il soit en partie fictif. Cette production cinématographique a suscité de vives réactions au Japon, qui a critiqué sa représentation des événements.

Pourquoi l'île d'Hashima est-elle inscrite au patrimoine mondial malgré la controverse ?
En 2009, le Japon a soumis une demande d'inscription de l'île d'Hashima au patrimoine mondial de l'UNESCO, en tant que site illustrant la révolution industrielle japonaise.
Cette proposition a soulevé des critiques, notamment de la part de la Corée du Sud, en raison des atrocités commises sur l'île pendant la Seconde Guerre mondiale. Malgré ces controverses, l'inscription a été approuvée en 2015, sous la condition que le Japon reconnaisse officiellement les souffrances endurées par les travailleurs forcés.
En 2020, un centre d’information a été ouvert à Tôkyô pour célébrer ce patrimoine, mais il a été critiqué pour avoir omis de mentionner les aspects les plus sombres de l'histoire de l'île. L’UNESCO continue de faire pression sur Tôkyô pour respecter cet engagement.


Que peut-on voir en visitant Gunkanjima aujourd'hui ?
Depuis 2009, Hashima est ouverte aux visiteurs avec un accès limité à certaines zones sécurisées. La visite se fait en japonais, donc il est recommandé d’avoir un guide ou une carte explicative en anglais ou en français.
Le trajet jusqu’à l’île depuis le port de Nagasaki dure environ une heure, offrant des vues spectaculaires sur la côte et sur les chantiers navals de Mitsubishi. Avant d’arriver sur l’île, une vidéo informative est diffusée, relatant l’histoire de Gunkanjima et son rôle dans la modernisation du Japon.


Une fois sur place, les visiteurs doivent rester sur un chemin balisé pour des raisons de sécurité, en raison des risques de chutes de débris et de l'état de délabrement avancé des bâtiments. La visite dure environ 45 minutes, avec trois points d'observation principaux qui permettent d'admirer les ruines imposantes et d'imaginer l'ancienne vie animée de l'île.


Comment se rendre à Gunkanjima ?
Plusieurs compagnies proposent des excursions depuis Nagasaki :
- Gunkanjima Landing & Cruise : départs à 9h00 et 13h30 depuis le terminal du port de Nagasaki (accueil ouvert de 8h15 à 17h00)
- Gunkunjima Cruise" : départs à 9h40 et 14h00 depuis le terminal portuaire de Nagasaki (accueil ouvert de 8h40 à 17h00)
Les excursions dépendent des conditions météo. Si la mer est agitée, le bateau peut simplement faire le tour de l’île sans accoster, voire annuler la sortie. Il est conseillé de vérifier la météo 1 ou 2 jours avant.
Pour l'achat des billets, les sites internet des compagnies n'étant pas très clairs, nous vous conseillons d'aller acheter les billets directement sur place 30 minutes avant le départ.


Visiter virtuellement l’île de Gunkanjima !?
Si vous ne pouvez pas vous rendre sur l’île, plusieurs alternatives existent :
- Google Street View : En 2013, Google a numérisé l’île, permettant une exploration virtuelle gratuite.
- Gunkanjima Digital Museum (Nagasaki) : Situé près de l’église Oura, ce musée propose une immersion en 3D avec des reconstitutions interactives.
- Horaires : 9h - 17h
- Tarif : 1 800 yens (~12 €)
- Accès : Tramway arrêt Ouratenshudo (大浦天主堂), le musée se trouve près de l'église Oura

